Le chemin des rachetés
Lettre de Flavius Cassius Romanus,
À mon père, le capitaine Paulus Brutus Romanus.
Mon père,
C’est non sans grande émotion que je te fais parvenir cette lettre. En effet, je nourris depuis plusieurs mois dans mon esprit de venir te soutenir dans ta maladie, car j’ai appris que tu es souffrant. Mais certains évènements m’en ont empêché. Ceci dit, comme j’ai connaissance de ta grande sagesse, je sais que tu sauras me pardonner.
Mais il s’est passé plusieurs évènements étranges ces derniers mois qui ont suscité mon attention. Il s’est levé un vent de révolte étrange, contraire à la sagesse que nous ont appris nos maîtres. Tu as certainement dû entendre parler d’une dite secte, que l’on nomme « chrétien », qui selon plusieurs rapports cause depuis beaucoup de temps maintenant une grande émotion dans les cœurs du noble peuple romain. Mais c’est par la main d’un seul homme que ce mouvement à maintenant débuté.
Il est annoncé dans les rues de Rome qu’un roi, juif, dominera sur la souveraineté de la nation. Ces histoires étranges présentent un homme, appelé Mashiah Yéhoshoua, comme Elohîm unique. Il aurait été crucifié sous ordre de Ponce Pilate, sous Tibère, puis, d’après leur récit, serait ressuscité des morts. L’homme qui a fait courir ce bruit, et dont nous ignorons l’identité, a déjà ému le cœur de nombreuses nations en renversant la hiérarchie des rituels.
Pourtant, il y a d’autres points difficiles à comprendre. Plusieurs officiers romains, acceptant le prix de cette folie, ont abandonné tous leurs biens pour se joindre à cette mouvance. César a ordonné l’exécution et la répression de ceux qui se rebellaient. Mais certains évènements étranges ont certainement dû arriver à tes oreilles, puisque tu es en charge de cette affaire. Des morts seraient revenus à la vie, des aveugles auraient retrouvé la vue, des boiteux et des infirmes marchent, des anges mêmes, disent-ils, seraient apparus pour délivrer certains de la mort.
Quelque temps après, Lydia s’est-elle aussi prise à prier ce Yéhoshoua et à suivre ses enseignements. Elle s’était même mise à me prêcher sa foi pour me convertir ! Non sans efforts que je m’efforçais, parfois par les mots, parfois par la force à la faire taire et à reprendre ses esprits. Je constatais donc un changement en elle. Elle dégageait une forme de piété qu’elle disait venir du Mashiah. Celle qui était autrefois si frêle se mit à me dire qu’elle était prête à mourir par mon glaive, plutôt que de servir nos divinités.
Des évènements se bousculent encore aujourd’hui dans mon esprit. J’ai moi-même été témoin d’évènements spectaculaire, et avec moi, toute l’assemblée de Rome. Un homme a été brulé vif sous mes yeux. Et alors qu’il brulait, un parfum de bonne odeur s’est dégagé dans tout le stade des martyrs, et comme si cela n’était pas suffisant, une grande nuée blanche monta au ciel. J’ai aussi vu des hommes et des femmes se faire déchirer par les fauves, plutôt que d’abandonner leur foi. Alors même qu’un autre était torturé sous mes ordres, il n’eut d’autre mot que le nom de Mashiah Yéhoshoua. Il essayait malgré tout de m’évangéliser.
Je m’appliquais à répandre le sang parmi les rebelles, quand je tombai subitement dans la rue, frappé férocement dans le dos par un rebelle. Mon souffle était coupé, et je sentais mon esprit me quitter. Je tombais alors, écumant et levant les yeux, pour implorer nos divinités. Je les appelais tous par leur nom, mais je n’eus aucun secours, et personne ne me répondit pour me prêter main-forte. Alors levant mes yeux au ciel, je m’écriais en pleurant : « De grâce, toi qui es au ciel, si tu me vois, secours-moi ! » Alors que j’étais près de rendre mon dernier soupir, j’entendis une voix céleste venir vers moi : « Qui cherches-tu au ciel, pour y implorer sa miséricorde ? » ; et je vis un homme vêtu de blanc, marcher vers moi. Et dans cette vision, l’Elohîm qui est vivant me dit ceci : « Le ciel est mon trône, et la terre mon marchepied. En dehors de moi, il n’y a point de Salut ». Étant saisi d’une grande crainte, je tombai sur mon visage, ne pouvant supporter tant d’éclat. Lorsque tout ceci s’arrêta, je retrouvai mes esprits. Toutefois, je fus effrayé de la vision, et il fallut qu’on me prête secours pour rejoindre mes quartiers à cause de ma blessure. Je ne pus me lever pendant deux semaines. Sur ma couche, une question me revenait : « Quel est le Nom du Elohîm qui vit dans les cieux, qui m’a entendu et qui m’a donné du secours ? » Je me mis alors en quête pour savoir qui était l’Elohîm vivant.
Je me rendis aux temples des dieux de notre cité et je demandais successivement ceci aux prêtres : « J’étais près de la mort, et quand j’ai appelé au secours auprès des dieux par les voies que tu m’as enseignés, aucun d’entre eux ne m’a secouru. Le seul qui m’a secouru est l’Elohîm inconnu dont je ne connais pas le Nom, mais qui vit au ciel. Qui est-il ? » Or aucun prêtre ne put me donner de réponse. Je cherchais encore dans nos registres d’histoire, et je tombais sur cet évènement relaté dans les mémoires, mentionnant le procès qu’il eût entre Yéhoshoua que l’on appelle Mashiah, et Ponce Pilate. Dans cet échange, le roi de juifs déclarait être d’un Royaume inconnu de ce monde (Jean 18 :36). Mon cœur m’emmena à m’interroger.
Je poursuivis ma quête, en voyageant dans toute la Rome à la recherche du Elohîm tout puissant. J’étais désespéré, car je ne trouvais sur la terre ni dans aucun temple l’Elohîm vivant. C’est au cours d’un voyage que j’entendis cette parole, venant d’un groupe de chrétiens, qui visiblement se cachait par crainte. L’un d’entre eux lisait un texte, et arriva à ce passage : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n’est pas ici, mais il est ressuscité ». Je ne compris pas ces dires, et je rentrais chez moi. Ce fut dans un songe que je reçus ma réponse : J’étais au milieu d’un champ en ruine, et autour de moi, se trouvait des idoles de bois, de fer, et d’airain. Et sur eux, étaient écrits des noms. Mais après un temps, je constatai que toutes ces idoles étaient muettes, sans vie et sans puissance, et je dis : « L’Elohîm vivant n’est pas en ce monde ». Je vis alors le ciel s’ouvrir. Des anges descendaient dans une grande gloire, et je vis Elohîm au milieu. Et une parole me fut adressée : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin, celui QUI EST, QUI ÉTAIT et QUI VIENT, le tout puissant. Hormis moi, il n’y a point d’Elohîm ». Et les anges dans le ciel disaient : « Amen ! » Puis je me réveillais sur ces mots. J’ai compris que ce Yéhoshoua que j’ai persécuté, que j’ai méprisé, était celui que je cherchais, à ma grande surprise.
Pardonne-moi d’avoir été si long dans ma lettre, mais j’ai jugé bon de te témoigner tout ceci. Toute cette affaire te paraîtra absurde, mais j’étais loin, moi-même de penser que de telles choses puissent m’arriver.
Je sais quelles sont tes responsabilités quant à la voie de Rome. Or sache maintenant que je suis désormais du nombre de ceux que tu t’apprêtes à mettre à mort, et avec moi ma sœur Lydia qui avons tout abandonné. Cette lettre est donc un adieu. Je t’ai raconté ceci non pas pour te causer de la peine, ni pour t’effrayer par une quelconque folie que tu croirais déceler en moi, mais pour te témoigner de Mashiah Yéhoshoua que j’ai vu comme Seigneur. Au temps où tu liras cette lettre, je ne serai plus. Mais je prie, pendant que je suis encore vivant, que Mashiah t’éclaire, comme il l’a fait pour moi. Tu ne comprendras certainement pas mon geste ni mon attitude aujourd’hui, mais je prie que tu trouves la force d’ouvrir ton cœur et de comprendre mon choix.